Chanson Douce – Leïla Slimani

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Publié aux éditions Gallimard

 

Résumé officiel : Lorsque Myriam, mère de deux jeunes enfants, décide malgré les réticences de son mari de reprendre son activité au sein d’un cabinet d’avocats, le couple se met à la recherche d’une nounou. Après un casting sévère, ils engagent Louise, qui conquiert très vite l’affection des enfants et occupe progressivement une place centrale dans le foyer. Peu à peu le piège de la dépendance mutuelle va se refermer, jusqu’au drame.
À travers la description précise du jeune couple et celle du personnage fascinant et mystérieux de la nounou, c’est notre époque qui se révèle, avec sa conception de l’amour et de l’éducation, des rapports de domination et d’argent, des préjugés de classe ou de culture. Le style sec et tranchant de Leïla Slimani, où percent des éclats de poésie ténébreuse, instaure dès les premières pages un suspense envoûtant. 

Mon avis : Depuis le temps que je parle de ce livre à des amis, que je le conseille à tout le monde, il fallait bien que j’écrive une chronique dessus, vous ne croyez pas ? Je l’annonce d’emblée : j’ai littéralement adoré ce livre, qui m’a fait passer par toutes les émotions. J’aurais tellement aimé pouvoir discuter un peu avec Leïla Slimani au salon du livre !

Le livre commence in media res par un acte abominable, et tout le reste de l’intrigue nous permet de comprendre comment Louise, une nounou aux allures parfaites, en est arrivé là.  Certains lecteurs de mon entourage – parce que oui, à force je les ai convaincus – ont déploré le fait que concrètement, l’action principale se déroule dans le premier chapitre, et que le reste décrit simplement la vie de tous les jours d’une jeune femme et d’un couple lambda. Mais c’est là, pour moi, où réside la force de Leïla Slimani. Louise n’a pas sombré dans la folie brutalement, c’est un processus lent, lancinant et pernicieux. La narration omnisciente permet de plonger le lecteur avec une curiosité malsaine dans l’envers du décor. Chaque détail, chaque petit événement insignifiant compte, et c’est ce que le style de l’auteure rend parfaitement bien.  C’est quasiment un thriller psychologique, et alors que la famille est décrite de manière assez simple, presque caricatural – un couple typique du 10e arrondissement – Louise déborde de complexité.  Certains chapitres abordent le passé de la nounou, et permet d’apprendre à mieux la connaître.

Tout comme Louise prend le pouvoir sur la famille Massé, l’auteure s’empare du lecteur pour le guider, pas à pas, dans les fins fonds d’une société qu’il connaît bien, puisque c’est la sienne. Parce que, sous couvert d’un fait divers, Leïla Slimani fait le portrait de notre société. La rencontre entre Louise et la famille Massé souligne subtilement la question de la lutte des classes, présente dans tous le roman. Le personnage de Myriam permet de soulever la question de la femme moderne : celle qui veut à la fois travailler et s’occuper de ses enfants, et qui doit faire face aux jugements de son entourage qui ne comprend pas.  Ces thèmes étant assez connus puisqu’au fond, des Louise, on en croise tous les jours s’en sans rendre compte.  C’est pour cela que ce livre a été un tel « coup de poing » pour ma part, car il m’a fait réfléchir.

Enfin, je terminerai par louer le style de l’auteur, qui retranscrit à merveille cette atmosphère sombre et oppressante. Le style est à la fois très fluide – vraiment, l’ouvrage se dévore – et très incisif.  Rien que le titre est révélateur : qui pensait qu’un tel titre annonçait une telle intrigue ? Chaque mot percute le lecteur, d’où le fait que je parle de « coup de poing ».  Leïla Slimani ne fait aucune concession et garde néanmoins un style éminemment littéraire.  Très addictif et complexe, ce roman est pour moi un immense coup de cœur.

Aurore

6 réflexions sur “Chanson Douce – Leïla Slimani

  1. malecturotheque dit :

    Eh bien, contrairement aux lecteurs de ton entourage, je te rejoins totalement ! J’ai beaucoup aimé cette lecture, c’est très oppressant, et il n’y a guère besoin d’action pour apprécier cette lecture. Au contraire, je trouve que c’est ce qui fait sa force : de petites touches de folies qui s’imposent par-ci par-là, auxquelles on ne prête pas forcément attention au début, et en y repensant, ça nous fait froid dans le dos… Bref, un très bon roman qui mérite son prix :)

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